LA VOCATION AU MARIAGE

Publié le par Jean-Claude Alleaume

DANS L'ÉVANGILE, JÉSUS REPREND LE PASSAGE  bien connu du livre de la Genèse : « A l'origine de la création Dieu les fit homme et femme ; ainsi donc l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme et les deux ne feront qu'une seule chair » (Marc 10, 7-8). Dans ce passage, Saint Paul découvre une préfiguration de l’alliance du Christ et de l’Église — mystère longtemps caché, dit-il, et maintenant révélé : ”Ce mystère est de grande portée, je veux dire qu’il s’applique au Christ et à l’Église” (Ép 5, 31-32). En effet, pour les baptisés, le mariage est un sacrement, autrement dit le témoignage vivant de l’alliance indéfectible du Christ avec l’Église (cf. Ap 21, 2.17). C’est parce qu’il est le témoignage vivant de l’alliance du Christ avec son Église que le mariage est une authentique vocation de vie chrétienne. C’est aussi pour cela que le mariage doit se vivre dans la fidélité et la responsabilité réciproques : « Le Christ a aimé l’Église, écrit encore saint Paul, il s’est livré pour elle » (Ép 5, 25).

 

En reprenant ce passage de la Genèse, Jésus nous plonge dans le fleuve du temps et de l’histoire : « Dès l’origine », dit-il. A bien voir, il nous situe aussi, pour ainsi dire, dans la perspective de Dieu en affirmant que c’est le Créateur qui a institué, à la fois, le mariage et la famille : du fond des âges — dès l’origine —, « l’homme quitte son père et sa mère pour s’attacher à sa femme ».

 

L’auteur du livre de la Genèse ne savait pas ce que nous savons depuis la venue de Jésus : que ”Dieu est amour” (1 Jo 4, 16). On peut donc bien dire que ce n’est pas tant le Tout-Puissant qui a créé l’univers, mais l’Amour éternel, l’Amour qui est Dieu. L’Amour qui a tout conçu dans sa sagesse infinie. L’Amour qui a tout prévu — y compris le péché de l’homme —, et qui avait déjà décidé de nous racheter par son Fils. Dieu, qui est Amour, a tout créé par amour puisqu'il n’avait aucun besoin de la création ! Et il a créé le monde pour que l’on s’aime. C’est pour cela aussi qu’il a institué le mariage. Il l’a institué pour que se communique et se propage, au sein d’une famille, l’amour dont il est la source. Qu’on me pardonne de le dire ! Dieu n’a pas institué le mariage pour être une antichambre de l’enfer par les propos blessants, les querelles incessantes, les infidélités et les violences dites « conjugales »...

 

Nous savons que c’est le consentement des époux qui constitue le mariage, et que ce consentement doit être libre. Il y a une raison à cela. C’est que, d’une part, le mariage est fait pour durer. Pour assurer le bonheur des époux et l’avenir des enfants, il doit être une union stable. C’est pourquoi Jésus rappelle que « ce que Dieu a uni, l’homme ne doit point le séparer ». Or une telle stabilité entre des personnes ne peut réussir que sur la base d’un véritable amour. Et l’amour est essentiellement libre.

D’autre part, dans le mariage, les époux se prennent et se donnent l’un à l’autre. Ce n’est pas un « objet » quelconque que l’on prend dans le mariage, mais une personne libre. Puisque l’on ne peut prendre une personne libre que si elle y consent et se donne librement, ce don mutuel fait naître ce que le concile Vatican II décrit comme « une communauté profonde de vie et d’amour » (Gaudium et Spes, no 48). Dans le même mouvement, ce consentement fait naître une réalité nouvelle, mieux, une institution nouvelle : en se donnant l’un à l’autre, les époux forment un COUPLE uni selon la volonté et le dessein du Créateur pour fonder cette « communauté profonde de vie et d’amour ». C’est justement l’idée que l’on trouve à l’origine de l’expression « fonder un foyer », qui évoque tout ensemble la chaleur, le réconfort et la convivialité.

 

Du fait de ce consentement, par lequel les époux se donnent librement l’un à l’autre, un nouveau type de relations s’établit entre eux. Il en découle aussi de nouvelles obligations et de nouveaux devoirs, comme le remarque saint Paul : ”la femme ne dispose pas de son corps, mais le mari ; pareillement, le mari ne dispose pas de son corps, mais la femme” (1 Co, 7, 4). Ce qui traduit en clair la parole que rappelle Jésus : ”Ils ne sont plus deux, mais une seule chair”

 

Je m’arrête un instant ici pour souligner un aspect important de la vie conjugale... un aspect malheureusement occulté par la traduction courante. ”Ils ne font qu’une seule chair”. Qu’est-ce que cela signifie ?… Mais n’est-ce pas précisément la relation sexuelle, où s’exprime totalement ce don mutuel fondé sur leur amour, qui fait vraiment d’eux “une seule chair” ?… La parole biblique, reprise par Jésus, est par conséquent très forte : ”une seule chair” signifie le don total de soi, le don des cœurs et le don des corps, dans une union stable et responsable orientée vers le bonheur des époux et des enfants qui en sont le fruit. La traduction : « Ils ne font qu’un » n’est donc pas correcte. Elle n’est pas correcte parce que, d’une part, elle appauvrit la parole biblique et, d’autre part, parce que le mariage n’est tout simplement pas une fusion de personnes. Le mariage est une alliance et non pas un alliage !

 

Nous avons noté, au début de ces réflexions, que Dieu a institué le mariage pour le bonheur des époux et de leur famille. A ce sujet, je voudrais ajouter une observation à l’intention des jeunes qui songent au mariage. La question la plus importante qu’ils doivent se poser n’est pas, comme on le pense généralement : ”Est-ce qu’il m’aime ? — Est-ce qu’elle m’aime ?” Non, ce n'est pas cela. La question cruciale, à laquelle ils doivent apporter une réponse aussi lucide que possible est : ”Est-ce qu’il veut vraiment me rendre heureuse avec lui ? — Est-ce qu’elle veut vraiment me rendre heureux avec elle ?” Ce qui entraîne l’autre question, aussi capitale : ”En est-il capable ? En est-elle capable ?”

Publié dans Société

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