SI TU SAVAIS LE DON DE DIEU !...

Publié le par Jean-Claude Alleaume


TOUT CE QUI NOUS RÉJOUIT DANS L'EXISTENCE EST UN DON DE DIEU. La vie qui pétille en nous, l'affection de nos proches, la belle nature qui nous entoure, les talents qui nous permettent de forger notre avenir, l’intelligence et la liberté intérieure qui sont à l'origine de ce que nous appelons : notre personnalité, toutes ces choses sont des dons que Dieu fait à chacune et à chacun de nous. Ils sont nécessaires pour que nous puissions vivre comme des êtres humains.
Mais la grâce est un don infiniment plus précieux. “Si tu savais le don de Dieu”, dit Jésus à la Samaritaine qui venait puiser l’eau au puits de Jacob. Et de lui annoncer que l’heure approchait où serait offerte à l’humanité cette “eau vive” qui devient “une source jaillis­sant en vie éternelle” (Jean 4, 14). C’est de la grâce que Jésus parlait à cette femme. La grâce enrichit notre nature et notre personnalité d'une manière particulière. Voici comment.

 

En illustration : Ruines du temple samaritain sur le mont Garizim

C’est Dieu qui nous a créés, lui qui nous a fait exister dans cette nature humaine que nous avons en commun avec tous les habitants de la terre, et qui fonde la fraternité universelle. Mais en nous donnant sa grâce, Dieu fait davantage : il nous élève au-dessus de notre condition humaine, nous attire à lui et nous appelle à être “unis à la divinité de son Fils qui a pris notre humanité”, selon la belle expression que nous utilisons dans la liturgie.
 Aussi, le don de la grâce dépasse complètement l'ordre de la nature et notre expérience humaine de l’existence. C'est pourquoi nous disons que la grâce est un don surnaturel. Autrement dit, nous n'avons pas besoin de la grâce pour vivre notre vie ordinaire, mais nous avons absolument besoin de la grâce pour vivre dans l'intimité de Dieu, comme fils et filles de Dieu.


Qu’est-ce que la grâce ?

 

Vous aurez sans doute remarqué la ressemblance du mot « grâce » avec le mot « gratis ». Ce n’est pas une coïncidence. La grâce, en effet, est bien un don gratuit que Dieu nous fait. En ce sens que, lorsqu'il nous accueille dans son amitié et fait de nous ses fils et ses filles, il n'agit pas par nécessité, mais par un choix libre de son amour et de sa miséricorde, en vertu de la rédemption que Jésus a accomplie pour nous en s’offrant sur la Croix. En effet, puisque Dieu a décidé de créer l’humanité de la manière que nous connais­sons, tout être humain doit nécessairement être doté d'un squelette, d'un cœur, d'un estomac, etc, ainsi que des facultés spirituelles qui fondent sa personnalité : l'intelligence et la volonté. L’ordre de la nature, fixé par Dieu lui-même, exige que nous venions ainsi à l’existence. Mais l’ordre de la nature n'exige pas que l’être humain soit élevé au rang de fils ou de fille de Dieu. C'est pourquoi nous disons qu'en nous donnant sa grâce, Dieu n'agit pas par nécessité, mais gratuitement, parce qu'il choisit librement de le faire.

 

Librement. Le mot clé lorsque nous parlons de la grâce, c'est : la liberté. De la part de Dieu, il y a liberté puisque c'est par pure bonté et par amour qu'il nous appelle à devenir ses fils et ses filles. De notre côté aussi il y a liberté puisque nous pouvons accueillir ou refuser la grâce qu'il nous offre, sans cesser pour autant d’être des personnes humaines. La grâce est donc bien un don gratuit et surnaturel où se trouvent engagées, et la liberté de Dieu, et la nôtre.

 

Comment est-ce que la grâce agit en nous ?  

 

La volonté de Dieu, c’est que “tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité” (1 Tm. 2, 4).  Or, nous sommes incapables de nous sauver tout seuls. C'est toujours Dieu qui sauve, moyennant notre libre coopération à son initiative. “C'est bien par la grâce que vous êtes sauvés, écrit saint Paul, à cause de votre foi ; cela ne vient pas de vous, c'est le don de Dieu” (Eph. 2, 8). La grâce commence donc par préparer nos cœurs à accueillir l'appel de Dieu en vue du salut.

 

Comprenons… Le fait est que chacun de nous est né pécheur. L'attrait du péché et le péché lui-même sont parmi les réalités qui nous sont le plus familières. “Je suis un être de chair vendu au péché, écrit saint Paul ; vraiment, ce que je fais, je ne le comprends pas ; car je ne fais pas ce que je veux, mais je fais ce que je déteste” (Rm 7, 14-15). C’est aussi notre expérience à tous. Or, c'est à partir de cet état de péché que Dieu nous appelle à vivre de la vie nouvelle qui fait de nous ses fils et ses filles. La grâce va donc nous tirer de notre état de péché pour nous élever jusqu'à la sainteté de Dieu (cf. Mat 5, 48). Saint Paul, toujours, exprime cela de manière saisissante : “Il nous a arrachés au pouvoir des ténèbres et nous a transférés dans le Royaume de son Fils bien-aimé” (Col. 1, 13-14). Ainsi, le seuil décisif que la grâce nous fait franchir sur le chemin du salut, c'est la réconciliation avec Dieu. Ce seuil, saint Paul l’appelle : la « justification ». Suivons-en les étapes.

 

 La grâce de la Foi

 

“C'est par la grâce que vous êtes sauvés, à cause de votre foi”. Saint Paul nous donne ici une précieuse indication sur le cheminement de la grâce en notre âme : elle commence par nous ouvrir à la foi. Mais, fait-il remarquer, comment croire sans d'abord entendre l'appel de Dieu ? (cf. Rom. 10, 14). Nous comprenons ainsi que la première grâce qui nous est faite, c'est la parole que l'Église nous fait entendre de la part de Dieu.

 

L’Église annonce Jésus Christ, le Sauveur que le Père nous a envoyé, pour nous amener à le connaître et à nous unir à lui par la foi et la fidélité à sa parole (cf. Jn 14, 23-24). Mais l'acte de foi, par lequel nous adhérons au Christ, est lui-même une grâce de la miséricorde divine. Saint Paul précise, en effet, que “personne ne peut dire : ‘Jésus est le Seigneur’, si cela ne lui est donné par l'Esprit Saint” (1 Cor. 12, 3).

 

 L’Espérance et la Charité

 

Cependant, la Foi, qui est la première grâce que Dieu nous fait, entraîne d'autres grâces qui achèveront notre justification. Car la foi engendre l'Espérance. En effet, puisque je crois en Jésus Christ, je suis porté à espérer en la miséricorde de Dieu qui se manifeste en lui, et j’attends avec confiance l’accomplissement des promesses qu’il m’a faites de la part de son Père. Souvenons-nous, par exemple, de sa prière : “Père, ceux que tu m’a donnés, je veux que là où je suis, ils soient avec moi, eux aussi, et qu’ils contemplent ma gloire” (Jn 17, 24).

 

Par l'Esprit de Jésus, je suis alors attiré vers ce Dieu en qui je crois et espère. Je me mets à l'aimer comme celui qui, seul, peut me délivrer du mal et apaiser ma soif d'infini (cf. Ps 63). N'est-ce pas, justement, ce que l'on peut appeler le « cri du cœur » de l'apôtre Pierre : “Seigneur, à qui irions-nous ? Toi seul as les paroles de la vie éternelle” (Jn 6, 68). Sous l’effet de la grâce, nous recevons ainsi, par l’Esprit de Jésus, les trois grandes vertus qui nous font entrer en communion intime avec Dieu : la Foi, l’Espérance et la Charité, qui est l’Amour même de Dieu.

 

Remarquons, en passant, qu’on ne doit pas confondre la Charité, dont saint Paul fait l’éloge dans un passage inoubliable (1 Co 13, 1-13), avec l’expérience humaine de l’amour. Jésus précise bien, en effet, que c’est un “commandement nouveau” qu’il donne à ses disciples quand il dit : “Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés” (Jn 13, 34). Il s’agit donc d’aimer avec l’amour même du Seigneur Jésus et, pour cela, il est nécessaire de “demeurer” en son amour, qui est identique à l’amour du Père (cf. Jean 15, 9-10). La Charité est donc d’un autre ordre que l’amour humain. Elle prend sa source en Dieu, est répandu en nos cœurs par l’Esprit de Jésus, et nous fait participer à l’Amour de la Sainte Trinité, c’est-à-dire à la vie même de Dieu.

 

 La grâce du repentir et de la conversion

 

Ainsi, sous l'impulsion de la grâce, je suis passé de la Foi à l'Espérance, puis de l'Espérance à l'Amour de Dieu, mon Sauveur. Puisque maintenant j'aime Dieu, je ne puis manquer de détester le péché qui me tient éloigné de lui. Comme l'auteur du psaume, je crie vers Dieu : “Mon péché est devant moi sans relâche... Crée pour moi un coeur pur, ô mon Dieu !” (Ps. 50).

 

Autrement dit, la grâce me pousse au repentir, et ainsi elle me fait franchir complètement le seuil de la justification et de la réconciliation avec Dieu. Sous l'effet de la grâce, moi qui étais loin de Dieu, me voici devenu son ami, rejetant tout ce qui n’est pas lui et tout ce qui est contraire à l’amour qu’il a pour moi. Saint Paul exprime fort bien cette transformation intérieure : “A profusion, Dieu a répandu sur nous son Esprit par Jésus-Christ notre Sauveur, afin que, justifiés par la grâce du Christ, nous obtenions en héritage la vie éternelle” (Tite 3, 7).


Vivre dans l’amitié de Dieu

 

Nous voici maintenant établis dans l'amitié de Dieu. Nous connaissons assez l'Évangile pour savoir ce que cela signifie : Dieu se donne à nous et vient habiter en nous. “Si quelqu'un m'aime, dit Jésus, il gardera ma parole et mon Père l'aimera ; nous viendrons en lui et nous établirons en lui notre demeure” (Jn 14, 23).  Cette « habitation » de la sainte Trinité en notre âme est la grâce suprême. D'elle découle toutes les autres grâces qui nous sont faites. Dieu nous établit dans son amour, et nous appelons cela, justement : « l'état de grâce ».

 

C'est un devoir primordial que nous avons de nous maintenir dans cette relation privilégiée avec Dieu. Parce que c'est seulement lorsque nous sommes en harmonie avec la sainteté de Dieu que nous pouvons recevoir en abondance les grâces et les bénédictions que Dieu ne cesse de répandre dans l'âme de ses amis, notamment par les sacrements qu'il a confiés pour eux à l'Église.

 

L'amour de Dieu est puissant. Jour après jour, Dieu nous transforme et nous purifie (cf. Jean 15, 1-3). Sans cesse, il nous comble de sa grâce pour nous rendre toujours plus semblables à son Fils. L'idéal des baptisés est bien celui que nous désigne saint Paul, et qui ne signifie rien d'autre que notre vocation commune à la sainteté : “Ce n'est plus moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi” (Gal 2, 19). La grâce, don gratuit de la miséricorde de Dieu, est alors vraiment, pour ceux qui se maintiennent dans l'intimité de la bienheureuse Trinité, cette eau vive que Jésus promettait à la Samaritaine, “une source jaillissant en vie éternelle”.

Publié dans Éditoriaux

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