DEUX QUESTIONS TOUCHANT À LA LIBERTÉ RELIGIEUSE...

Publié le par Jean-Claude Alleaume

Est-il vrai que la religion divise ?

LE SLOGAN « LA RELIGION DIVISE » S’EST PROPAGÉ sans qu’on se donne la peine de l’examiner. Or il est trompeur autant que malveillant. Ce qui est vrai, c’est qu’il existe des religions différentes. Mais il ne s’ensuit pas qu’elles divisent les gens, qui, d’ailleurs, sont eux-mêmes différents les uns des autres. 
Dira-t-on qu’une famille soit divisée parce que le père aime les courses de chevaux, la mère la collection de fougères, le fils aîné le badminton et la cadette la musique rock ? Ils ont des goûts différents, certes, mais ne sont pas pour autant divisés ! Il en va de même pour la religion. Puisqu’elle est la réponse que chacun fait à la vérité de Dieu dans l’intimité de sa conscience, il ne faut pas s’étonner qu’il y ait, dans le monde, tant de religions différentes.

 

De fait, dans une société donnée, il n’y a pas que les religions qui soient différentes. Il existe aussi des opinions et des journaux différents, et ils sont protégés par le principe de la liberté d’expression. Il y a des syndicats, des clubs et des partis politiques différents, et ils sont pareillement protégés par le principe de la liberté d’association. Pourtant, nul ne songera à dire que les opinions, les journaux, les syndicats et les partis politiques divisent la nation. Il n’y a donc aucune raison de prétendre que la religion divise. C’est justement parce qu’il existe des courants religieux différents que l’État doit composer harmonieusement l’unité des différences et garantir la liberté religieuse de ses citoyens, tout comme il leur garantit les autres libertés. C’est justement la raison d’être du principe de la laïcité de l’État.

 

Observons enfin que ce qui conduit parfois les gens à s’affronter pour des motifs religieux, ce n’est pas la religion elle-même, mais plutôt des esprits plus ou moins sectaires qui veulent imposer aux autres leurs convictions et leurs modes de vie. C’est le sectarisme qui divise, non pas la religion.


La religion n’est-elle qu’une affaire privée ?

 

ON RENCONTRE AUSSI LA FORMULE « LA RELIGION EST AFFAIRE PRIVÉE ET DOIT LE RESTER » Cette formule est ambiguë et prête à confusion. Examinons-la.

 

La formule “la religion est affaire privée et doit le rester” est vraie quand elle signifie que la réponse qu’une personne donne librement, au plus intime d’elle-même, à la vérité de Dieu ne saurait être mise en discussion. Elle est vraie encore quand elle sous-entend que les pouvoirs publics doivent se garder de privilégier une religion particulière, en maintenant rigoureusement la neutralité de l’État et l’égalité des droits de tous les citoyens.

 

En revanche, la formule “la religion est affaire privée et doit le rester” est inacceptable quand on l’interprète dans un sens qui dénie aux croyants le droit d’exprimer leurs convictions religieuses en public ou de concourir, comme tels, au bien commun et à la construction de la cité. Dans ce cas, elle est assimilable au refus du droit à la liberté d’expression. De plus, comme elle vise une catégorie particulière de personnes, elle porte aussi atteinte au principe démocratique de l’égalité des citoyens.

 

Mais, au fait, qui sont les citoyens ?

Ce sont des personnes faisant partie d’une même nation et ayant chacune son identité. De plus, chaque citoyen a sa personnalité. Depuis sa plus tendre enfance, celle-ci s’est constituée au creux de sa conscience à partir de ses affections familiales, de sa mémoire, de ses dons innés et de ses goûts divers, de l’éducation qu’il a reçue et des études qu’il a faites, de sa formation religieuse ou de son refus de toute religion, de ses succès et de ses échecs, et ainsi de suite.

Tout cela forme un tout pour constituer la personnalité de chaque citoyen, et influe sur tout ce qu’il fait. Dès lors, peut-on demander à quelqu’un de morceler sa personnalité et sa conscience, comme d’aucuns le voudraient, sans lui porter un grave préjudice ? Surtout que — il faut le souligner fortement — l’agnosticisme colore autant la personnalité des laïcistes, que la foi celle des croyants.

Publié dans Éditoriaux

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